HISTOIRES, PASSEES Et AUTRES VERITES

 

Histoires, Passé et autres Vérités... L'ensemble des textes ci-dessous sont ma propriété intellectuelle. Ils sont à mon image, ils sont ma personnalité. Mes opinions n'engagent que moi... à l'époque où je les ai écrites. Ils sont MOI, mes amours, mes emmerdes, mes coups de gueule...

• MON HISTOIRE

...A la maison, nous avions des setters anglais et notre première labrador Sonia est déjà en photo avec moi affublée, elle ... pas moi, d'un chapeau et d'une paire de lunettes. Je dois avoir sept ou huit ans. Mais ce qui me plaît le plus dans cette description c'est cette labrador avec, déjà, ce caractère si particulier. Je n'ai pourtant pas oublié les chiots setter anglais et c'est certainement grâce à eux que j'ai aimé les flat coated. A la maison, les chiens sont toujours allés à la chasse. D'ailleurs, je ne me souviens pas d'une saison, sans voir mon père préparer ses affaires et ses chiens attendre enfin le moment où ils partiraient. Je n'ai pas souvenir être allée avec lui en étant petite, par contre je me souviens bien du ball-trap, ce qui en fit peut être un excellent tireur. Je me souviens du bassin aux poissons rouges de M. et Mme Sauvan, affixe les Bressans, car ... je suis tombée dedans !
La première fois que j'ai voulu l'accompagner à la chasse, j'étais très fière ... de ma jupe longue très à la mode pour l'époque. J'ai vu le sourire en coin mais je n'étais pas inquiète du tout ... jusqu'aux premiers barbelés ! La première fois que je l'ai accompagné en field trial, j'ai passé ma journée dans la voiture tant il faisait froid, me demandant ce qu'il trouvait de bien à ce type de concours et me régalant des truffes au chocolat qu'il avait confectionnées et qui étaient destinées, il me pardonnera, à celui que j'appelai "papy Pelletier".
Et puis, j'ai grandi ... mais il y a toujours eu des chiens à la maison, alors, lorsque je me suis mariée, devinez un peu ma première revendication ? C'est comme cela qu'est arrivé Util, un mâle noir, labrador bien sûr. Quelques expositions canines où là c'est moi qui "traînais" un peu mon père tant il trouvait cela superflu. Et le virus sous -jacent commença à m'envahir. A l'époque, il n'y avait presque personne sur les rings dans notre race. Etant très conservatrice, j'ai encore les catalogues de cette époque. Cela fait sourire lorsque l'on voit ceux d'aujourd'hui !
Notre fils Michaël apprit à s'endormir bercé par les douces voies des chiens aux travers des expositions que nous côtoyions. Puis est arrivée Vénus de For Lugdunum, née chez mon père évidemment. Très prometteur au Championnat de France en 1985, elle finit deuxième de la classe ouverte au Championnat de France en 1986, parce qu'il lui manquait deux dents. A l'époque, naïve, je pensais que ce défaut devait être très important pour me voir mise à la deuxième place pour quelque chose ... qui ne se voyait pas ! Aujourd'hui, cela me fait sourire ! La même année Util gagna son premier CACIB et nous fût volé le lendemain. J'ai longtemps gardé son carnet de vaccination et sa carte de tatouage à mes côtés jusqu'au jour où je me suis dit, qu'avec l'âge qu'il devait avoir, il ne devait plus être de ce monde.
Entre temps, mon mari étant militaire, nous nous sommes retrouvés mutés en Allemagne : avec nos deux chiens évidemment. Enceinte de Nathalie, je ne pouvais me résoudre à accoucher là bas et revint en France, chez mon père. Les jours de cafard, il y a une autre activité que nous aimions bien faire : visiter des maisons. J'appris donc à Michel par téléphone que je venais de trouver la maison de nos rêves. Il me proposa de l'acheter avant même de l'avoir vue.

1986 : naissance de Nathalie, achat de la maison, naissance de l'affixe "La passe de l'eider" avec une première portée ...
Pour cette première portée, et même la suivante, je choisis comme étalon Kupros Lucifer. Ma chienne était radiographiée et la lecture faite par le Retriever Club de France, auquel j'avais adhéré pour ne jamais depuis m'en défaire malgré les turbulences ! J'ai aujourd'hui encore la naïveté de croire en la nature humaine... La lecture de cette radio fut enregistrée sous le numéro 89.C'est ainsi que naquît Bacchus. Il devint Champion International de beauté et Trialer à moins de deux ans et fut la vedette de la publicité télé de "Pedigree-Pal". Ce fut une expérience fantastique : l'élevage s'était agrandi et nous sommes descendus dans le midi avec nos treize chiens ... ce qui affola un temps soit peu le réalisateur mais ravit l'ensemble de la production lorsqu'ils virent comment nos chiens se comportaient. Cela m'a attiré également les foudres d'une éleveuse qui ne comprenait pas pourquoi ce n'était pas elle qui avait été choisie, mes chiens étant nuls évidemment ! Avec le recul, je m'aperçois que je commençais seulement à apprendre ...
1988 naissance de notre troisième enfant : Kelly, ou comment apprendre à éduquer ses enfants tout en s'occupant de ses chiens. Mais une chose est sûre, même si j'aime mes chiens, il y a d'abord mon mari et mes enfants, ma famille et mes amis et ensuite mes chiens. 

Pour moi, dans la vie il y aura toujours certaines priorités ...
Mais vous allez voir que les chiens vont pourtant nous faire faire un truc pas possible .1989, alors que nous galérons pour payer les crédits voilà pas que les voisins se plaignent du bruit ! Je reverrai toujours la tête de mon mari, lorsqu'il est venu me dire que les voisins avaient encore fait des remarques : "on déménage" ai-je répondu. J'étais en train de nettoyer mes chenils. J'ai tout arrêté, mis les enfants dans la voiture et nous sommes partis prospecter ... C'est comme cela que nous avons atterri à Chatillon la palud, sur une propriété de 16 hectares, avec encore plus de crédits sur le dos ! Certains collègues nous ont traités de fous. Nous venions d'investir dans des parcs pour nos chiens, c'est le bulldozer qui les a détruits !
La maison était habitable, il nous fallait donc aménager pour les chiens. Il paraît que certains font chambre à part, avec mon mari, nous avons fait maison à part pendant trois mois : reconstruire une maternité, faire des parcs, puis faire un étang. Mais il paraît que lorsque l'on est professionnel on n'aime pas ses chiens...
Cette même année, je passai et obtins mon permis de chasse. Première journée dans un monde d'hommes. J'avais la chance d'être accompagnée de deux des hommes de ma vie : mon mari et mon père, le troisième étant mon fils. Mon père demanda à mon mari, pour ma première journée de chasse, de bien vouloir lui laisser sa fille. Dans un carré de maïs, des perdreaux s'envolèrent. Je tirai. Ce fut ma première pièce. Pourtant, aujourd'hui encore, je ne peux m'empêcher de penser que mon père avait pu tirer en même temps que moi...

J'ai l'impression de parler beaucoup de chasse mais pour moi, le caractère est primordial dans une race. Un labrador qui grogne, cela n'est pas normal, un labrador que l'on est obligé d'éloigner de ses congénères sur un ring, ce n'est pas normal, des draps sur les cages en exposition pour éviter que les labradors aboient et grognent après tout ce qui passe devant, ce n'est pas normal.
Pendant près de quinze ans, nous avons couru les expositions canines et les Fields trial, parfois avec succès, parfois moins... mais toujours en gardant les pieds sur terre. Tout faire pour gagner n'a jamais été ma philosophie. Notre fille Kelly fait aujourd'hui partie de ce que l'on appelle la filière haut niveau, en gymnastique. Elle est classée septième en "espoir», et pourtant... Je lui ai toujours appris une chose, en compétition, "apprendre à perdre" ne s'apprend pas, c'est la vie qui s'en charge, le plus difficile c'est "apprendre à gagner". On ne gagne pas parce que l'autre est mauvais mais parce qu'on a été meilleur ce jour là, on ne marche pas sur la tête de son voisin qui est tombé, on l'aide à se relever. Car plus important encore que les victoires on doit pouvoir se regarder dans une glace sans honte de ce que nous avons fait ou dit... Si vous êtes attiré par la championnite, ce n'est pas chez nous qu'il faut venir. Gagner, oui, cela fait plaisir, mais perdre n'est pas une fin en soi. Depuis que mon mari a posé sa candidature de juge, j'ai pensé que l'on ne pouvait être "juge et partie" et je n'ai plus sorti de chiens et pourtant... Alors qu'il naît huit mille labradors par an, qu'il existe une bonne centaine d'élevages, l'affixe La Passe de l'Eider est, encore cette année, au classement des meilleurs élevages de l'année. Sans avoir fait un seul déplacement, simplement grâce à quelques chiens de passionnés qui tournent en exposition et en field... et cela me suffit. 1998 La candidature de juge en retrievers de mon mari ! Voilà un évènement qui a fait couler de l'encre... et sortir les langues de vipère : Et bien, oui il a posé sa candidature. Non, il n'est pas là par hasard. Oui il a bossé et passé ses examens. Non pas besoin de livre sous la table. Oui il a réussi. Non personne ne s'est opposé à sa qualification. Et oui, il est apprécié. Alors, bravo à lui car moi, je n'en aurai pas fait autant...

Etre jaloux, c'est envier ce qu'a l'autre et que l’on n’a pas.

C'est aussi cette année là que mon père nous a quittés.
Il avait débuté ses Fields trial avec ses setters, en Italie. Lors du dernier field pour retrievers que nous avons organisés sur nos terrains de chasse, le trophée portant son nom fut gagné par un italien...
En fait je comprends aujourd'hui, pourquoi il préférait aller à la chasse. Alors je continue mon élevage avec la même philosophie : essayer de faire naître des chiots qui vont satisfaire les familles qui les auront. Et croyez moi, j'ai des amis... des amis éleveurs... des amis éleveurs de labradors...

Anne-Marie Le Roueil

 

• A toi , Papa

DE FOR LUGDUNUM                  LA PASSE DE L'EIDER
Setter anglais et Labradors      Labradors et Flat Coated 
Georges RAJON                          Anne-Marie LE ROUEIL

Quelles que soient nos opinions,
Notre façon de vivre,
Notre façon d'élever,
Notre façon d'aimer...

Ne pas perdre son temps
A se glorifier,
Mais vivre l'instant présent,
Pour un instant d'éternité.

Nos chiens à la chasse,
La chasse à nos chiens.
Une passion simple
Au coeur de Dame Nature
Un étang, un canard,
Un fusil et un chien.

A la PASSE DE L'EIDER
Il y aura toujours
Un coeur qui bat
Pour le FOR LUGDUNUM.
                                                     ...A toi, papa
Year Book Retriever Club de France 1998

 

• Rédaction

Classe de CM 2, année 1972 : 
Sujet : On vous a parlé en classe d'animaux carnivores. Vous en choisissez un : chien , chat ou un animal sauvage et vous en faites un portrait aussi vivant que possible.

Développement : le chien

Le chien fidèle à l'homme ne le quittera jamais, même s'il est avec lui depuis quelques mois. Il est très intelligent et je vais vous le prouver par une histoire:
Papa était allé à la chasse, avec une de nos chiennes : C'était notre brave Mâmy.
La chienne tournait autour d'un buisson depuis 10 mn ;
Soudain elle en fit sortir un lapin.
Papa tire : " Pan, Pan." Mâmy courut pour aller le chercher et le rapporta à Papa qui lui dit : " Assis ; donne Mâmy, donne."
Elle le lâcha, et le lapin put s'échapper car il n'était que blessé.
Mâmy le poursuivit, le rattrappa, arriva vers Papa, qui lui redit.
"Donne Mâmy , allons donne " la chienne ne voulait pas le donner "donne" répéta papa.
Et quelques secondes plus tard on entendit un petit "cuic"
Mâmy avait enfoncé ses crocs solides, dans le lapin ;
et au lieu de le donner correctement comme d'habitude, elle le laissa tomber à terre ;
Un air de dire : " Comme ça il ne pourra plus s'échapper."
Si on laisse un chien à la maison tout seul il pourrait faire des sottises.
Le chien est aussi un bon chasseur, mail ne chasse pas tout seul, il chasse avec son maître.
Certaines races de chien comme le Labrador peuvent aller chercher le gibier dans l'eau ;
alors il est très pratique d'en avoir, si on est chasseur.

Anne-Marie Rajon, (épouse Le Roueil)
année 1972
Ecole Primaire de Dagneux (01)

 

• Quelques bribes de mon MON SUJET DE PHILO AU BAC

(je n'ai retrouvé que deux pages de mon brouillon)Année 1979

Faut-il dire que :
"C'est en cherchant l'impossible Que l'homme a toujours réalisé et reconnu le possible, Et ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur Paraissait le possible, n'ont jamais avancé d'un pas "

Rechercher l'impossible consiste en fait à découvrir quelque chose qui apparaît comme irréalisable, mais ne l'est pas forcément. Cet "impossible" provient du monde extérieur donc de circonstances extérieures. L'homme cherche à connaître : c'est tout d'abord la curiosité qui incite à chercher, le simple désir de s'instruire n'étant pas suffisant. Mais ne se cache-t-il pas une prise de conscience de la supériorité qu'il adviendra si cet impossible devient réalisable. Il lui sera alors facile de dominer ceux qui n'auront pas encore évolué. La recherche de l'impossible pourrait donc avoir l'image de la supériorité. Selon Rousseau dans son "discours sur l'origine de l'inégalité" ceci serait fait le plus légitimement possible. Faut-il donc penser qu'en cherchant à "savoir plus" l'homme a creusé un fossé avec un autre homme ? Ceci serait logique. Ceux qui ne cherchent que le possible, deviennent alors inférieurs aux premiers "chercheurs de l'impossible" puisqu'ils n'ont jamais avancé d'un pas. Ce fossé si facilement creusé, n'est pas simple à remplir à nouveau. On arrive à penser que si l'on ne cherche pas l'impossible on devient obligatoirement des dominés...
Mais avant tout l'individu cherche à assouvir un désir, une passion. Il va faire "l'impossible" pour la réaliser et au fur et à mesure, il évoluera car il sera obligé d'avoir recours à des besoins. Il finira par aboutir à la réalisation de l'impossible qui deviendra alors le possible. Tout au cours de cette recherche l'homme aura évolué, son esprit aura progressé. Il pourra ainsi à nouveau chercher à réaliser un nouvel "impossible".

"C'est en cherchant l'impossible que l'homme a toujours réalisé et reconnu le possible..."
Ici se trouve la formule de l'évolution de l'homme et de l'humanité. Rousseau définit l'évolution d'après quatre étapes. Les circonstances extérieures amènent à l'homme des passions, elles mêmes assouvies par des besoins et ces derniers réalisés, on assiste au progrès de l'esprit. A cette thèse s'ajoute donc : d'une part que la recherche de l'impossible provient de circonstances externes et d'autre part que le progrès de l'esprit entraine la réalisation du possible. Cela équivaut à dire que " ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible, n'ont jamais avancé d'un pas." La limitation au possible entrainerait donc une stagnation de l'intelligence c'est à dire l'action de se projeter dans le futur, donc de l'esprit et forcément de l'évolution.
L'évolution de l'homme se ferait donc par la recherche de l'impossible. Pourtant se limiter au possible ne stoppe pas obligatoirement cette évolution. Celle-ci se fait peut être moins rapidement mais plus surement. Chercher l'impossible entrainant des besoins souvent considérables, implique d'abord à chercher le possible. L'homme est donc contraint de passer par le stade du possible. Les besoins qu'il va rencontrer au cours de son évolution vers la réalisation du possible, seront des besoins possibles donc réalisables puisqu'ils seront aidés des besoins antécédents et réalisés. Ce seront donc des besoins possibles mais auxquels l'homme ne se limitera pas. Là est la différence. Pourtant, même si l'on se contente d'un "besoin possible", si l'on stoppe cette "recherche vers l'impossible", on aura tout de même évolué, par conséquent "un pas", minime peut être, aura été fait.
C'est ainsi qu'il finira par se civiliser, puis se mécaniser et s'industrialiser. Les sociétés prendraient donc leur point de départ dans le seul désir de l'homme de chercher l'impossible. L'individu et sa curiosité seraient donc la base de toute civilisation. De plus, on peut supposer qu'un possible en entraine un autre. Donc, à force de possibles on atteindra l'impossible...
Cette recherche de l'impossible n'est elle pas néfaste à l'animal qu'est l'Homme. Toujours vouloir en savoir plus, peut être est ce le risque de l'autodestruction de la race humaine. A force de chercher l'impossible, l'homme ne se suffit plus. Comme l'a dit Voltaire "le superflu devient nécessaire". Notre stade de connaissances n'est plus suffisant, nous allons encore chercher l'impossible et au fil du temps, nous le trouverons.

Anne-Marie Rajon (épouse LE ROUEIL)
Juin 1979

 

• Les éleveurs professionnels sont-ils tous des "marchands de chiens" ?

Intervention au séminaire de la SCF en 2003

 

Longtemps devant ma feuille blanche j'ai réfléchi au moyen d'aborder ce sujet. 

Alors j'ai commencé par lire mon dictionnaire. Et j'ai souri ! J'ai souri parce que dans mon dictionnaire, il y a écrit que l'opposé de professionnel, c'est amateur. Décidemment, les idées préconçues sont difficiles à supprimer ! Même le dictionnaire s'en mêle. Mais il y a aussi écrit que professionnel, c'est être une personne de métier, un spécialiste et amateur, une personne qui aime, qui cultive un art pour son seul plaisir, un sportif qui pratique sans recevoir de rémunérations… Et puis il y a aussi le mot marchand, qui représente quelqu'un qui fait profession de vendre, qui achète et qui revend. 
Alors moi j'aimerai que l'on m'explique comment est ce que l'on peut être un professionnel du chien sans aimer ce que l'on fait et comment on peut dire aimer, sans être un spécialiste ? Et pourtant, nous savons tous que nous avons des brebis galeuses dans les deux camps. Et d'ailleurs, pourquoi parlerai-je de camp ? Sommes-nous en guerre, les uns contre les autres, ou sommes-nous enfin capables de trouver un sujet qui nous rapproche, un terrain de discussion. Il est certes plus difficile de rapprocher les gens que d'essayer de les opposer, mais on peut toujours essayer. 
Je vous pose la question. Pourquoi dois-je avoir honte de vendre mes chiots pour vivre ? Est-ce que je dois être qualifiée de " marchande de chiens " ? Le boulanger a-t-il honte de vendre son pain à un Rmiste ? Je suis tout à fait capable de comprendre qu'une personne fasse une portée pour garder un descendant d'une super chienne d'expo ou d'un étalon pour lequel on fait des kilomètres pour glaner titre après titre. Mais lorsque cela se transforme en argent facile pour se payer ses vacances d'été ou ses cadeaux de Noël, comprenez que cela énerve un peu… Mais aussi, entendre dire que l'on ne tire aucun revenu de son élevage ou que l'on est déficitaire parce que l'on va s'éclater dans sa passion le week end, n'est ce pas pousser le bouchon, parfois, un peu trop loin ? Imaginez que je sois une excellente pâtissière. Faire des gâteaux c'est mon truc à moi, mon petit plaisir du week end. Vais-je pouvoir les vendre sans que l'on ne me dise rien ? Et vais-je me dire meilleure que le pâtissier de mon village ? Parce que les idées reçues en cynophilie, c'est cela aussi : il y a les " amateurs de l'élevage " qui sont les super cracks de la cynophilie et les " professionnels de l'élevage " qui sont les méchants parce qu'ils vendent leurs chiots pour faire vivre leur famille. Ceux qui pensent encore cela, s'ils n'ont pas envie d'essayer de modifier un peu leur opinion, d'aller voir un peu plus loin que le bout de leur nez, prenons la décision de considérer que, finalement, c'est leur problème. Ils vieilliront avec leurs idées archaïques. Point. 
Prenons maintenant le temps de discuter avec la génération qui a envie de voir et savoir ce qui se passe chez l'autre.
Faire naître vingt, trente, cinquante ou cent chiots par an, ce n'est pas tant cela le plus important. Peu importe le nombre, on peut toujours faire des chiots de qualité. Encore faut-il s'en donner les moyens. Ce qui est primordial ce n'est pas combien mais comment vous le faites. Faire naître cent chiots avec dix lices, ce n'est pas comme les faire naître avec vingt… Il y a ceux qui font reproduire leurs chiennes à douze mois et ceux qui le font à deux ans, il y a ceux qui font reproduire une chienne de huit ou neuf années et ceux qui arrêtent à six ou sept, il y a ceux qui prennent leurs chiennes pour des utérus et il y a les autres… En France aujourd'hui 900 000 chiots sont cédés tous les ans, dont 650 000 sont issus d'une " nébuleuse ". Cela représente une activité économique importante, en dehors de tout contrôle, de toute réglementation. En langage clair, cela s'appelle du travail dissimulé. En face, nous avons environ 700 jeunes qui sortent, par année, des écoles de formation espérant vivre un jour de leur passion. Que diriez-vous si votre fils ou votre fille choisissait une branche professionnelle où l'on est montré du doigt parce que l'on est professionnel ? 
Un professionnel c'est celui qui passe ses journées entières avec ses chiens, 365 jours sur 365. C'est celui qui a fait de lourds investissements financiers pour que ses chiens aient les meilleures conditions de vie possibles, c'est celui qui a pris le parti de respecter ses animaux. C'est aussi celui qui a souvent fait l'impasse sur sa vie familiale : pas de 35 heures, pas de jour férié, pas de week end, pas de vacances. La passion n'est elle pas folie ? Connaissez vous beaucoup de gens assez fous de leur travail pour faire cela ? Je refuse d'entendre dire que parce que l'on produit plus, on produit mal. J'élève depuis 17 ans et depuis 17 ans je fais les contrôles de tares héréditaires recherchées dans ma race. Près de quarante chiens sont contrôlés tous les ans pour les tares oculaires, tous mes chiens passent au moins le Test d'Aptitude Naturel, certains sont recommandés, d'autres élites. Et actuellement je fais même quelques radios de hanches sur mes chiots de deux mois ! Pour voir… pour savoir. J'ai fait de nombreuses expositions canines et concours de travail, aujourd'hui j'estime avoir assez barreaudé à droite et à gauche. Mon mari est juge de la Société Centrale Canine. Je continue à me faire plaisir, à voir de beaux chiens, à découvrir d'autres races. Tout cela de l'autre côté de la barrière, sans faire la queue le matin… 
Et pourtant, même si beaucoup d'éleveurs professionnels caracolent dans les grands prix… ce qui peut se faire lorsque l'on a trois ou quatre chiens, n'est pas forcément applicable lorsque l'on en a cinquante. Et là, je parle des expositions canines qui représentent un budget important. Est-ce parce que tous les chiens de l'élevage ne vont pas en exposition, qu'ils sont de mauvais chiens ? 
Je peux aussi vous faire la liste de ce qu'un professionnel doit payer comme charges et vous serez peut être surpris d'apprendre que l'an dernier, mon élevage bien que déficitaire a eu à supporter la charge de près de 4 500 euros de cotisations sociales. 
Mais, j'espère que vous serez surtout étonnés de savoir que mes chiennes partent en retraite, à six ans, stérilisées, et certaines après une carrière de … deux portées ! 

L'élevage de LA PASSE DE L'EIDER est né en 1986 avec ma première portée : cette portée était déclarée au fisc et dedans il y avait un champion ! Cette année là, j'étais juste un peu plus jeune qu'aujourd'hui, mais ce que je voulais par-dessus tout, c'était être "pro" et reconnue comme telle. Je me suis ensuite déclarée à la Direction des Services Vétérinaires de mon département, et j'ai pris contact avec la Mutualité Sociale Agricole. Et là, on a commencé à me parler de nombre d'heures. Je n'en faisais pas suffisamment : on m'a refusé. Il est incroyable de voir en France que lorsque l'on veut se mettre en conformité avec les administrations, on peut se heurter à des problèmes purement… administratifs. Ayant un peu compris le système, j'ai trouvé comment justifier des 1200 heures indispensables à mon affiliation. Elles allaient m'aider à aboutir à mon objectif de départ : être reconnue comme professionnelle. Très contente de moi, je commençai aussi un peu les expositions canines. Et alors là ! Surprise ! Première règle : ne pas dire que l'on est professionnel… c'est très mal vu. J'ai dès lors fait mon cheval de bataille de prouver que l'on pouvait être un bon éleveur et un bon professionnel. 

C'est probablement pour cela aujourd'hui que je suis Présidente du Syndicat National des Professionnels du Chien et du Chat où j'ai adhéré il y a plus de quinze années. Je suis aussi adhérente du Retriever Club de France depuis plus de quinze ans ! Le syndicat que je représente de par ma fonction, regroupe plus de 500 professionnels, du jamais vu si l'on tient compte d'un paramètre qui n'est pas négligeable : la cotisation est de 95 euros. Nous regroupons des acteurs cynophiles et félinophiles qui n'ont pas toujours les mêmes opinions sur tout mais qui roulent sur la même route…
Pour moi, être professionnelle, c'est une qualité. Je revendique de l'avoir fait, j'en suis fière… fière d'avoir fait de ma passion, mon métier.
Le plaisir d'aller en exposition le week end, c'est se comporter en amateur. S'abstenir d'aller tenter de gagner le CACIB qui nous manque, même si l'on a réglé le montant de son engagement, parce que l'on soupçonne une toux de chenil, c'est se comporter en professionnel. 
Garder le chiot dont on rêve qu'il va être un futur champion, c'est réagir en amateur. Prendre la décision de ne pas le faire parce que notre nombre de chiens sera trop élevé, en fonction de l'espace que l'on peut leur fournir, c'est réagir en professionnel.
Pour moi, être ELEVEUR est indissociable d'être PROFESSIONNEL. Et être PROFESSIONNEL est indissociable d'être AMATEUR.
C'est avant tout, ne jamais oublier que notre rôle consiste à faire vivre nos chiens dans les meilleures conditions sanitaires possibles, en respectant leur état physiologique. 
C'est ne pas confondre élevage et collection de chiens, en sachant réguler le nombre d'adultes que nous pouvons décemment accueillir. 
C'est donner la vie : faire naître des chiots sains, les faire grandir en respectant leur identité, en modelant leur caractère. 
C'est trouver des familles d'accueil en prenant le temps de leur expliquer qu'ils viennent de prendre un engagement de plusieurs années et que nous serons là pour les aider. 
C'est une passion, c'est un art, c'est un métier qui n'est pas à la portée du premier venu.
Alors, finalement qui est le marchand de chiens dans cette histoire ?
Pour moi, être marchand de chiens, c'est ne pas faire tout ce que j'ai cité précédemment…

Anne Marie LE ROUEIL
Intervention au séminaire de la Société Française de Cynotechnie en 2003.

 

• Rôles de l'éleveur sélection et amélioration génétique socialisation à l'élevage.

Sélectionner pour Elever…
… Elever pour Sélectionner

Eleveuse de labradors depuis 20 ans, ce n'est pas la mode qui a fait que j'ai choisi cette race.
Avec un père chasseur et éleveur " amateur " quelques gênes dominants ont dû se transmettre à sa descendance, c'est-à-dire MOI. Notre premier labrador répondait au nom de Sonia. J'ai 7 ou 8 ans, elle va à la chasse, et moi je l'habille de chapeau et de lunettes. Elle accepte tout cela avec son caractère très LAB.
Ce n'est pas à vous tous que j'ai la prétention d'apprendre ce qu'est la sélection, mais il m'a été demandé de m'exprimer sur le " comment " je voyais et pratiquais la sélection au sein de mon élevage.

En ce qui me concerne, il y a trois étapes : 

AVANT : Choisir mes reproducteurs sur des critères morphologiques et comportementaux en tenant compte des tares héréditaires les plus fréquentes : voilà mes objectifs.
Mes reproducteurs sont pour la plus grande majorité RECOMMANDE (cotation 4 SCC / RCF). 
Petite précision, j'ai un cheptel de 40 chiens... 
Tous les ans, ce sont 4 à 6 chiens qui passent les " épreuves ".
Pour être RECOMMANDE dans ma race, il faut désormais 2 résultats en Beauté (Excellent ou Très Bon), 2 résultats en Field Trial (Très Bon ou Excellent), contrôle des hanches, des tares oculaires et récemment a été rajouté le contrôle des coudes ! Autant vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de chiens dans cette cotation par rapport à notre nombre de naissances et je trouve cela bien dommage. Plus le réservoir est grand, plus le travail de sélection est intéressant.

Mes chiennes ne reproduisent donc généralement pas avant l'âge de 2 ans ½. De ma propre initiative, j'effectue également l'identification ADN de mes chiens. J'ai commencé par les plus vieux afin d'essayer d'avoir un maximum de filiation d'attestées. 
Par quoi débute ma sélection ?... Les hanches. 
Si la radio n'est pas bonne, inutile d'aller plus loin, quitte à se priver d'une excellente morphologie et d'un excellent caractère…
Est-ce que j'élève des hanches avant d'élever des chiens ? 
Dans mes moments de mauvaise humeur, je me le dis, puis je redeviens raisonnable… (Est-ce bien raisonnable ?). 
Lorsque l'on élève depuis 20 ans la morphologie ne pose pas de problème, il reste donc le caractère. 
Le labrador est le chien de chasse le moins vendu pour cela ! Evolution de la race ? Non… de la mode ? Oui. Il est donc pour moi d'autant plus primordial de maintenir les qualités de chasse de mes chiens ! Maintenir les qualités indispensables pour le travail, c'est maintenir le caractère qui fait la réputation du labrador. Il m'est arrivé, par exemple, de me séparer d'un étalon trop " excité ". Le labrador doit savoir rester sage à la battue 2 heures s'il le faut. Si un reproducteur manque de cette sagesse, je prends le risque de me retrouver en moins de deux générations, avec des chiots… hyperactifs ? Et qui feront dire à certains… vétérinaires… (Sic !) Beaucoup de choses sur le " labrador "… en totale contradiction avec ce que défendent les éleveurs de la RACE.

PENDANT : Un environnement adéquat, une bonne socialisation… mélangez cela et le cru ne devrait pas être mauvais. Bien entendu, ma structure est aménagée en fonction de ma race. Personne ne rentre dans ma maternité, hormis ceux qui y travaillent. Les clients découvrent mes chiots, derrière une vitre et les voient évoluer dans leur parc d'éveil. Il y a aussi la radio qui fonctionne la journée, il y a des jouets, les couleurs sont vives… 
Les dessins au mur ? Juste pour nous, pour se faire plaisir. Travailler dans un environnement agréable met de meilleure humeur et nous sommes ainsi encore mieux avec nos chiens. Petite précision encore, 40 chiens au cheptel pour moins de 100 chiots par an et 3 personnes minimum pour s'occuper de tout ce petit monde. Cela est une suite à la sélection des géniteurs : qu'il y ait les bras en nombre suffisant en fonction du nombre de chiens adultes et des chiots qui naissent au sein de l'élevage. Mes chiots quittent l'élevage à deux mois. Le parc d'éveil n'a plus de secret pour eux. Les quilles qui résistaient à leurs premiers assauts, perdent la partie. Ils vont eux-mêmes chercher les boules dans le bac à boules. Malheureusement aucun n'a encore eu la bonne idée de les ranger ensuite…
APRES : Lors de leur départ, je prends le temps d'expliquer aux nouveaux maîtres : alimentation, vaccination, éducation, tout y passe ! Je le fais depuis 20 ans ! Je remets une brochure qui a évolué avec le temps, avec ce que j'apprenais de mes chiens mais aussi grâce à mes clients et leurs questions. Il ne suffit pas de remettre le fameux " document obligatoire " mais bien de prendre le temps de l'expliquer afin d'éviter les premières erreurs d'éducation. Je dis à mes clients qu'il s'agit là de leur livre de chevet durant au moins la première année. Ils peuvent aussi s'ils le souhaitent venir en éducation faire un peu le point. J'ai aménagé un espace réservé à cette activité. Faire un suivi éducatif permet de ne pas détruire tout notre travail d'éleveur.
Qui connaît mieux nos chiots que nous, les éleveurs ? Quelle que soit notre race, ne prenons donc pas le risque que tout se dise en toute méconnaissance de notre expérience de l'élevage...irremplaçable !
Elever pour Sélectionner…
…Sélectionner pour Elever